Achille à l'assaut du Goncourt des Lycéens

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L'Art de perdre, d'Alice Zeniter


Alice Zeniter répond aux lycéens du Nord

En ce 13 octobre 2017 nous avons eu la chance de passer un après-midi en compagnie des auteurs dont les ouvrages sont sélectionnés pour le prix Goncourt. Cette rencontre a été très enrichissante  et nous a permis de mettre un physique, une voix et une façon de voir le monde sur un nom qui nous a accompagnés pendant la lecture d'un roman. La rencontre qui m'a le plus frappée est celle avec Alice Zeniter, l'auteure de l'ouvrage L'Art de perdre.

 

Tout d'abord, elle nous apprend qu'elle a mêlé réalité et fiction dans son roman, notamment avec la présence d'un chanteur kabyle, militant athéiste, tué en Algérie dans un attentat prémédité par le gouvernement ou par des islamistes, liée avec la présence de Lala, un vieux peintre fictif cette fois, représentant une Algérie qui va de l'avant, combat et crée. Il représente la Kalybie des peintres, poètes ou encore "des alcoolos", avoue Madame Zeniter. Lala est un contrepoint de Naïma qui considère encore l'Algérie comme un pays rural dont elle ne connaît ni la culture ni l'art de ce pays.

 

Quand un lycée lui demande quand elle a commencé à écrire, Alice Zeniter répond qu'elle écrivait déjà avec ses sœurs dès son plus jeune âge. Son premier texte fut d'ailleurs un poème épique très enfantin du haut de ses cinq ou six ans, nous confie-t-elle. Elle fut un peu forcée d'effectuer un baccalauréat scientifique mais s'est vite redirigée vers des études théâtrales. C'est une auteure de romans, de nouvelles ou encore de fictions pour enfants.

 

Interrogée ensuite sur le titre du roman, Alice Zeniter dit que le titre L'Art de perdre reflète la réalité de la trajectoire migratoire, la perte de l'Algérie, de la France, des langues kabyles et arabes. Mais aussi l'art de gagner un accès à l'écriture.

 

Quand je peux enfin lui poser une question sur son style que je trouve "élégant et brutal", elle dit que c'est un réel compliment car elle a effectué de nombreuses recherches pour habiller son roman comme chercher le nom de fleurs présentes exclusivement en Algérie ou sur une montagne spécifique par exemple. Mais elle a aussi voulu que son roman marque les esprits avec une certaine brutalité liée à l'écriture avec ses propos explicites et le fait qu'elle explore une guerre du côté des perdants et de ceux dont on n'ose pas assez parler : les harkis.

 

J'ai découvert une femme franche, très directe, qui dit ouvertement ce qu'elle pense et c'est ce à quoi je m'attendais. Elle ne cherche pas à plaire à tout le monde et demeure très attachée à ses idées et à sa liberté.

D'après les notes de Flavie

 

Alice Zeniter est une jeune écrivaine qui n’écrit pas seulement des romans mais aussi des nouvelles et des pièces de théâtre. Une question lui a été posée à ce sujet : « est-ce facile de passer d’un roman à une nouvelle, à une pièce de théâtre ? » l’écrivaine a répondu que oui, c’est très facile pour elle mais c’est aussi une nécessité. En effet, la jeune femme a révélé adorer le théâtre, elle en a fait pendant huit ans pendant ses études supérieures.

 

Une question intéressante lui a aussi été posée à propos de son titre, Alice Zeniter dit que cela serait plutôt « l’art de gagner » parce que dans son roman, les personnages gagnent l’accès à l’écriture, mais elle explique qu’il n'est possible de gagner que lorsque l’on perd, comme Naïma qui perd sa langue et son pays d’origine qui est l’Algérie. L’auteur a aussi dit une phrase que j’ai trouvé particulièrement belle : « La perte mène au mouvement qui mène à la vie ».

 

Madame Zeniter nous a également parlé de la composition de son roman qui est fait de trois parties qui sont égales à trois générations (Ali, Hamid, Naïma) et que cela représente une trajectoire migratoire.

 

Une autre question lui a été posé au sujet de deux des personnages de son roman, Lala et Lounès. Alice Zeniter a répondu que Lounès était un chanteur kabyle, il a donc vraiment existé et cela cause un parallèle avec Lala qui est un personnage fictif, qu’elle a complètement imaginé. Elle nous a expliqué que, grâce à Lala, Naïma voit l’Algérie autrement que comme le pays natal de ses grands-parents, mais comme un pays qui a vécu, combattu et qui a créé.

D'après les notes de Manon

 

 

 

 


18/10/2017
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Algérie bouleversante, Algérie naissante

 

     L'Art de perdre d'Alice Zeniter peut être considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature contemporaine. Cette lecture habite littéralement le lecteur grâce à l'attachement que l'on éprouve au fil de notre lecture envers les personnages. En effet, ils nous font partager leurs souffrances, amours, désillusions et plus particulièrement leur vie quotidienne. A travers trois générations, Zeniter nous relate une histoire culturelle trop souvent oubliée de l'Algérie : des parents se sacrifiant pour l'avenir de leurs enfants, des traditions tues, la place des femmes dans cette société. On y découvre la vie de femmes répudiées si elles n'arrivent pas à porter un fils ou si elles demeurent des "ventres secs" ou encore les mariages forcés et arrangés. On y lit également des faits historiques qui tombent dans l'oubli d'une Histoire grandiose comme l’incompréhension entre Kabyles et Arabes, le combat douloureux pour l'indépendance d'une patrie,le rôle du FNL ou encore les attentats d'Alger ainsi que les Accords d'Evian.

 

      Le début du roman nous transporte dans une Algérie des années trente. Dans cette première partie, le narrateur nous raconte l'histoire d'Ali, un Kabyle ,fils d'agriculteur à qui la chance sourit. Il parvient à s'enrichir dans la culture d'oliviers. Mais "les évènements" vont changer le destin des hommes de la Kabylie et en l’occurrence celui d'Ali et de sa famille. Dans la deuxième partie, Ali vit avec sa famille dans un camp en France tandis qu'Hamid, son fils, se sent incompris. Un fossé entre le père et le fils se crée donc dans ce camp où règne la misère. Parallèlement Naïma, petite-fille d'Ali, vit sur Paris. Peu de temps après les attentats de 2015, elle commence à se poser des questions sur le passé de sa famille dont elle ignore tout. Naïma a oublié l'Algérie ou du moins ne l'a jamais connue. Elle tient à connaître sa culture qu'elle porte tous les jours sur sa peau bronzée, ses cheveux noirs et son prénom.

 

    Ce livre nous transporte dans le temps et dans l'espace par le biais de destins brisés par l'Histoire avec sa grande hache, des conséquences de la colonisation, de l'exil ainsi qu'une quête des origines mal connues aux yeux de Naïma. Ce roman retranscrit beaucoup d'amour et d'émotions malgré les difficultés qu'éprouvent les personnages à dire "je t'aime" ou encore "je te comprends". Alice Zeniter amène les sujets sensibles de la société d'aujourd'hui et d'hier mêlant passé et présent avec les attentats terroristes en France, l'inquiétude qui monte d'un cran, la colère et la difficulté à trouver sa place ainsi qu'une peur grandissante, avec son style à la fois élégant et brutal. Elle n'hésite pas à nous confier la souffrance d'un peuple et tout particulièrement celle de ceux qu'on nomme "les harkis" et celle de leurs enfants.

Flavie

 


26/09/2017
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Perdre, est-ce vraiment un art ?

Quel sens a le nom "art" dans le titre du roman d'Alice Zeniter, L'Art de perdrePourquoi est-il placé de cette manière ?  En effet, nous nous disons que l'art a un rapport avec les beaux-arts, avec quelque chose d'artistique. Or, ce n'est pas là ce que veut dire ce mot. Ici, le mot « art » renvoie plutôt à la définition « habileté, talent, don pour faire quelque chose » ; nous y voyons donc un contraste avec le verbe «perdre».

 

Le personnage principal de ce roman, Nma, est une jeune femme française d’origine algérienne, qui n'a jamais rien connu du pays de son grand-père Ali, ni même de sa famille habitant à Alger. La jeune femme est journaliste et un jour son patron, Christophe, lui demande d'aller en Algérie, plus précisément à Tizi Ouzou, pour le travail. Elle en profite pour essayer de percer le mystère qu'était la vie passée de son grand-père qui a connu plusieurs guerres comme celle d'Algérie. Pourquoi a-t-il fui son pays pour habiter en France ? Pourquoi n'a t-il jamais voulu parler de ce qu'il a vécu là bas ? Qu'a t-il fait ? C'est ce que nous allons découvrir tout au long de ce roman.

 

L'Art de perdre d'Alice Zeniter est écrit d'une façon assez intéressante. En effet, ce roman ne comporte pas de chapitres titrés ou numérotés, mais il est découpé en trois parties qui sont trois générations différentes et c'est cela qui m'a le plus plu.

 

Dans la première partie, nous nous situons après la deuxième Guerre Mondiale jusqu'à la guerre d'Algérie, et nous suivons la vie d'Ali et de sa jeune femme Yema, qui n'avait que quatorze ans lorsqu'ils se sont mariés. Ensemble ils ont eu leur premier enfant Hamid, le père de Nma, ce qui nous mène à la deuxième partie du livre.

Cette seconde partie, nous raconte la vie de Hamid, de son enfance en France, en passant par son adolescence mouvementée, jusqu'à sa vie de jeune adulte. On y voit sa rencontre avec Clarisse dont il tombe fou amoureux. Cette partie est celle qui m'a le plus intéressée car j'ai adoré voir l'évolution de Hamid, son adolescence rebelle et sa vision des choses est différente des autres personnages parce qu'il est un personnage très intellectuel et cultivé. J'ai même dévoré ce livre à partir de cela et je n'avais qu'une hâte : découvrir la fin.

Finalement, dans la dernière partie de l'histoire, nous découvrons la vie palpitante de Naïma et de son aventure pour la première fois de sa vie en Algérie où elle part sur les traces d'Ali. La jeune femme y découvre ses origines, sa famille oubliée, et essaie de comprendre ce qu'il s'est passé durant cette guerre, ce qu'Ali a pu faire. Ali était un harki, il « tenait » avec la France, les harkis étaient souvent considérés comme des « traîtres » d'un point de vue algérien.

Manon

 


27/09/2017
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Citations

Voici mes citations préférées de L'Art de perdre, le roman d'Alice Zeniter : 

 

"Il pourrait la regarder vivre sans jamais s'ennuyer. Il pourrait rester des heures dans une salle de cinéma sombre, devant un film qui ne comporterait que des gros plans de ses mains et de son visage."

 

"Le pouvoir n'est jamais innocent. Pourquoi alors est-ce qu'on a rêvé qu'on peut être dirigé par des gens bien?"

 

"Maîtrise les tempêtes de ton âme, interdis à ta langue de se plaindre, ne te griffe pas les joues quand la vie t'envoie des épreuves."

 

"Le silence n'est pas un espace neutre, c'est un écran sur lequel chacun est libre de projeter ses fantasmes."

 

"Il est interdit d'interdire. Si tu ne t'occupes pas de politique, c'est la politique qui s'occupera de toi."
 
Manon

 


16/09/2017
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